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jeudi 15 octobre 2009

Un arbre se meurt .

Alors que j'effectuais une ultime fauche dans les allées de la promenade , je découvris avec stupeur un chêne mourant dans un des alignements délimitant les parcelles.

Un arbre qui disparaît , rien de plus banal...pas au sein du Prieuré.

Toutes ces vieilles sentinelles sont la mémoire récente des lieux d'Orsan , chacun de ces arbres participe à l'identité du site.

Le bocage d'environ dix hectares est travaillé soigneusement et ouvert à la visite au même titre que les jardins . L'utilitaire et la symbolique des
jardin s'y retrouvent ; sous la forme agricole pour le premier et l'allégorie du " Pré aux mille fleurs" pour la seconde.

Pour faire une similitude compréhensible , un éleveur tient à coeur chacun des animaux qui constitue son cheptel ; comment rester indifférent à la perte de l'un deux. Plus terre à terre , anciennement il était bien précisé dans le bail d'un fermage la quantité d'arbres en place , malheur à celui qui n'en prenait pas soin!

Devant ce vieillard à l'agonie , j'envisageais la possibilité de lui donner la parole et de recueillir ses" mémoires ligneuses" , tout comme on écoute sagement un de nos anciens au crépuscule de sa vie.

Écoutons:

" L'aventure débutait mal , j'étais dans les derniers à être encore sur notre parent , l'automne déjà prononcé allait de toute façon tôt ou tard déclencher ma chute lorsqu'une troupe de geais envisageait un arrêt collation parmi nous . Plusieurs de mes congénères disparurent dans les estomacs gloutons des oiseaux , mais dérangée , cette armée de volatile prit la fuite soudainement. Avant de rejoindre ses comparses déjà en procession dans le ciel , je fus saisi par le bec du retardataire. Lors du voyage dans les airs , par chance il m'échappait et je rejoignis à grande allure la terre.

En quelques jours des feuilles m'offrirent une couverture , ouf ! j'étais devenu invisible pour mes prédateurs aériens , mais les mulots et autres fouinaient et c'est une levée de taupe qui me sauvait définitivement. Les travaux de ce terrassier infatigable m'ensevelirent , ce trou serait mon berceau et j'étais dans mon élément . L'humus allait devenir mon placenta nourricier ou j'allais me loger avant d'apparaître au grand jour , finalement je dois mon salut à mon ennemi du départ ; il est devenu mon ami!

Mais patience , il faut donner du temps au temps et d'abord subir un premier froid hivernal , une rencontre qui déclenchait dès le printemps suivant le miracle de la vie. Enfin des conditions climatiques favorables , des fenêtres de beau temps de plus en plus fréquentes , c'est un signe , il faut y aller !

Tout d'abord je m'enracinais , plongeais dans l'obscurité des profondeurs ma frêle racine , elle assurera mes premiers repas sitôt mes cotylédons épuisés , puis tel un bateau je m'amarrais à cette mère solide par cette ancre vivante. En réplique au pivot souterrain, une tige sous l'attirance du jour ( phototropisme ) s'érigeait vers le ciel , se glissait , levait les feuilles et soumise à la pesanteur ( géotropisme ) montait droite. L'endroit est très propice à ma croissance,je suis au centre d'une petite rotonde et cette mini clairière permet une bonne réception de la lumière et de fait , de la chaleur. La lumière je l'adore ( héliophile), j'absorbe tout son spectre sauf une certaine longueur d'onde "dans les verts" , alors par défaut c'est celui dont sont parées mes feuilles et que l'on peut voir.

Pendant des années j'allais grandir , croître , et fortifier mon tronc , me ramifier dans l'espace et m'étendre à mon aise. Parallèlement mes assises allaient se développer à l'identique.

J'étais devenu un boulimique de gaz carbonique grâce à ce système merveilleux dont la nature m'a donné le brevet ; la photosynthèse.


Sous l'action de ce processus et avec l'aide de mes tissus chlorophylliens , j'utilise l'énergie solaire et l'eau pour transformer le CO2 , une alchimie qui a fait ses preuves! Dans mon corps mon "sang" suit une marche spécifique. Tout d'abord la sève brute ascendante circule au coeur de moi-même et irrigue mes feuilles , une fois l'action de la photosynthèse exercée elle redescend chargée des richesses de ce métabolisme , dite alors sève élaborée elle emprunte les tissus fragiles périphériques.
Tout allait bien lorsqu'un printemps de nouveaux attributs couvraient ma ramure , des fleurs ornaient le moindre de mes rameaux. J'avais atteint la maturité , à mon tour je transmettais la vie! Dans cette voie toutes les alternatives sont bonnes à prendre pour assurer la descendance ; certains végétaux sont dioïques , hermaphrodites même le "clonage naturel" est pratiqué par quelques- uns en quête d'éternité et donc adeptes de la régénération! Pour ma part je suis monoïque , fleurs mâles et fleurs sont présentes distinctement sur moi.

Et de saisons en saisons le temps s'égrenait , que de dangers rencontrés , que d'épreuves surmontées , d'autres de mes frères y ont succombé. J'aurais pu côtoyer un proche cousin , que dis-je un faux frère ; le fayard. Il apprécie dans ses premiers âges l'ombre de ma frondaison mais de croissance très rapide il me dépasse , s'étale , s'ouvre comme un parapluie me privant de la lumière dont j'ai tant besoin...la suite aurait été sans issue . Être trahi par ses proches , qui l'aurait cru ?


Que dire du vent , un bon ami car agent de pollinisation incontournable qui en colère mutile mon houppier , mon allure est alors modifiée. Un déséquilibre physiologique et d'emprise au sol est à craindre mettant à terre les plus faibles d'entre nous. Pour lui faire face il faut un enracinement profond , les bases des premiers jours font la différence.


Étés chauds , canicules , sécheresses sollicitent mes fonctions respiratoires et accentuent la transpiration , l'eau est la préoccupation de ces passages arides.


Mais attention aux orages d'été accompagnés d'éclairs , si la foudre prend l'un de nous pour cible et déclare un incendie , le feu réduira en cendres même les plus gaillards.


Hivers froids , gelures printanières ruinant mes premiers bourgeons et mes fleurs pleines de promesses . Toutes ces morsures sont comme tout autant des coups sur l'échine d'un animal et laissent des traces ; mes anneaux de croissance gardent les empreintes de ces temps difficiles.


Comme si cela ne suffisait pas l'homme en rajoute ! Depuis peu il entoure ma taille avec une corde d'acier hérissée afin de clôturer le pré ! Avec mon diamètre toujours en augmentation , cette ferraille pénètre mes chairs occasionnant des plaies ; véritables portes ouvertes aux parasites et infections diverses . Quand ce ne sont des clous pour fixer la pancarte "Interdit aux Nomades ou Risques d'Incendies ".


Parfois il pratique un émondage si sévère que malgré mon fort pouvoir de réitération , l'opération m'est fatale. Mieux c'est un abattage radical sans jugement qu'il m'octroie , coupé , tranché dès la base à l'aide de cet outil nommé tronçonneuse.


Des grincements fibreux , des craquements sonnent cet hallali du bois .


Élevé au rang d'espèce noble ma disparition n'est toujours vaine , je revis sous d'autres formes lorsque charpentiers , menuisiers , charbonniers sont les commanditaires de la coupe. Je deviens alors ; poinçon , porte , charbon...Mais pour mes compatriotes citadins leurs sacrifices sont souvent bien futiles . Des définitions qui n'ont aucun sens pour leurs existences ; limites de propriétés , proximité d'une demeure , taille imposante , âge avancé...et d'autres sont sources de leurs évictions . Pire encore , pour les sujets attitrés à la décoration , à l'ornement ; la mode en cours et l'humeur changeante du propriétaire dictent leurs longévités.


Ah! Il fut un temps ou les hommes me respectaient , j'étais sacré et une nourriture spirituelle comme lors des Dendrophories , nourriture tout simplement pourtant mon fruit astringent est difficilement comestible.


Ah ! L'homme , si je racontais tout ce que mes yeux ont vus , mes feuilles tremblent encore devant la barbarie dont il peut être parfois l'auteur . C'est fou l'ingéniosité et la volonté qu'il met en oeuvre pour se persécuter lui-même...mais aussi et surtout toutes ces familles joyeuses ayant fait leurs piques-niques sous ma coupole de feuilles et ces couples se jurant amour et fidélité à l'ombre de ma silhouette.


Digne représentant du Règne végétal , un homme m'a nommé Quercus robur ( chêne pédonculé ). Mon biotope est le bocage du Boischaut , je vis là dans le creux d'une vallée depuis si longtemps. Les représentants de mon genre sont apparus sur terre voilà près de 90 millions d'années . Dans cette chronologie l'homme est bien jeune!.


Depuis quelques années je sens la fin qui arrive , mais jusqu'au bout je serai un porteur de vies ou ce qui s'appelle "niche écologique" . Dès mes premières années j'abrite nombre d'oiseaux nichant dans les entrelacs de mes rameaux puis dans les cavités de mes branches vieillissantes , et plus discrète une foule d'insectes. Mais encore des mammifères comme l'écureuil et au sol sous mes feuilles une autre faune grouille.


Petit à petit je vais m'éteindre , mes branches mortes casseront , je tomberais entièrement , d'autres intervenants assureront ma décomposition et je retournerai à la terre.


L'emplacement libéré sera propice à de nouvelles germinations , un autre chêne prendra ma place c'est comme cela depuis des millions d'années...voyez tout est bien."

Je dois préciser que je tiens un bon" rhube de cerveau" , et le médicament prescrit avertit des effets secondaires suivants ; risques de délires et d'imagination excessive ... cela explique cet échange avec ce chêne !



Plus sérieusement dans le jardin c'est la poursuite de la taille des haies , et pas seulement la reprise des charmes.
Devant le Prieuré la haie d'ifs se comporte mal , elle a tendance à "s'ouvrir".




C'est donc la rectification branche par branche avec le sécateur et la règle/niveau.



L'if ( Taxus baccata ) s'acclimate difficilement sur les terres d'Orsan . Je dois régulièrement faire une campagne de fertilisation : corne broyée + terreau + engrais minéral spécial conifères. Cette potion magique est apportée à l'aplomb de la haie , dans des trous de 50/60 cm de profondeur effectués avec la barre à mine , et espacés d'environ 40 cm. Prochaine campagne vitale en 2010.

Bientôt ( semaine 45 ) et surtout ce qui concentre toutes les énergies en ce moment , ce sont les "Ateliers au jardin";
- Le Travail du bois
- Les Piliers du jardinage
- La Taille des rosiers

C'est donc les grands préparatifs, notamment pour l'atelier bois. Tout d'abord bien à l'abri dans la grange il faut écorcer près de 400 gaulettes...puis il faut repérer et démonter les plessis défectueux.





..et dégager la terre







...puis à l'aide de la truelle...stop!






Vous en savez déjà trop , la suite pour tous les inscrits à cette session 2009!

"...devant l'arbre , l'homme doit prendre du recul et lever la tête vers le ciel pour recevoir toute la beauté d'un vénérable chêne . Qui sait , peut-être quelques pas d'humilité et de sagesse."
Et les chênes que j'ai planté dans l'hiver 1993/94 , qui les verra mourir ? Qu'auront-ils à raconter ? Ça y est , la fièvre et les effets indésirables des médocs me reprennent !

1 commentaire:

  1. Dans mon petit jardin de ville, un chêne s'est "semé" il y a quelques années. Nous l'avons laissé croître. Il n'a pas de belle ramure compte tenu du peu de place dont il dispose mais c'est notre chêne et il procure de la nourriture à un écureuil passant quelquefois dans le jardin (en effet, nous avons la chance d'être à 4 mètres environ d'un bois.

    Continuez à bien soigner cette belle propriété dont nous n'avons pas encore eu le plaisir de visiter. Mais un jour prochain...
    A bientôt.

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